• Hommage à Régine Desforges, la peu connue.....

     

    Régine Deforges, la "papesse de l'érotisme" est morte

     

    Née en 1935 à Montmorillon, REGINE DEFORGES (ici en 1988) a été présidente de la Société des Gens de Lettres et chroniqueuse à "l'Humanité". Elle est notamment l'auteur de "Blanche et Lucie" (1976), "le Cahier volé" (1978), "la Bicyclette bleue" (1981). Elle est morte ce 3 avril 2014, à Paris. (©Andersen / SIPA)

    Quoi qu'elle prétende, Régine Deforges n'est pas née le 15 août 1935, à Montmorillon (Vienne), mais quinze ans plus tard, lorsqu'on lui a dérobé son journal intime et que, dans une scène ahurissante, une dame bien-pensante et son acrimonieux de fils le lui ont rapporté pour lui ordonner de le déchirer et de brûler ses autres cahiers.

    Même si elle ne le suggère jamais, on sent bien que toute sa vie est fondée sur ce traumatisme originel. Sans cet autodafé, dont elle fut la victime et l'instrument, aurait-elle par la suite édité tant d'ouvrages licencieux, attenté si souvent aux bonnes moeurs, défié la censure et les tribunaux, écrit des romans où les nonnes se révoltent et le diable en rit encore? Rien n'est moins sûr. Régine Deforges ou le syndrome du cahier volé.

    "Le diable dans la culotte"

    L'adolescente précoce (elle avait déjà lu «le Blé en herbe» et touché, au square et dans la paille, «d'énormes objets» masculins) y consignait ses premières expériences sexuelles avec une camarade de classe. Ces carnets avaient fait le tour de la petite ville. L'abbé avait porté plainte auprès de la gendarmerie. Dans la rue, on insultait voire agressait la «traînée», exclue par le collège religieux, qui avait «le diable dans la culotte». Jusqu'au jour où elle fut donc sommée de détruire son journal : 

    J'ai obéi, jeté dans le poêle ce qui me tenait le plus à coeur. Ma vie intime s'envolait en fumée. J'ai décidé que je me vengerais, sans savoir comment.

    La suite est une vengeance qui se prolonge. Régine Deforges va désormais vivre, aimer, comme bon lui semble. Et si ça choque, tant mieux. A 18 ans, elle épouse un assureur, Pierre Spengler, qu'elle avait rencontré à Conakry, où son père avait été muté, et qu'elle s'empresse de tromper avec des hommes et des femmes. Après avoir tâté du théâtre dans un cours, du mannequinat chez Louis Féraud, et mis au monde un garçon, elle s'improvise représentante pour l'éditeur Jean-Jacques Pauvert, qui devient son amant, le père de sa fille et son Pygmalion.

    "La papesse de l'érotisme"

    Il l'aide à créer, en 1968, sa propre maison d'édition, baptisée L'Or du temps, en hommage à André Breton, où elle publiera des érotiques d'Apollinaire, de Restif de La Bretonne ou Mandiargues, tout droit sortis de l'enfer des bibliothèques. Le premier est «le Con d'Irène», d'Aragon, qu'elle intitule «Irène», ce qui n'empêche ni la saisie ni la convocation au palais de justice. Les condamnations pour outrage aux bonnes moeurs, au lieu de l'abattre, la stimulent.

    » Les confessions de Jean-Jacques Pauvert

    Contrairement à Jacques Lacan, qui lui révèle dans sa maison de campagne, bien dissimulé derrière un paravent, le fameux tableau de Courbet, «l'Origine du monde» («Comment dire mon émotion devant tant de beauté?»), elle ne veut rien cacher de ce qui la trouble et veut tout montrer de ce qui l'excite.

    Paris ne parle plus que de «la papesse de l'érotisme» ou «la scandaleuse Régine» et se dispute, jusque dans les établissements coquins de Ville-d'Avray, cette belle rousse dont le visage de chat évoque une autre frondeuse, la grande Colette. Mais les amendes à répétition finissent par avoir raison de L'Or du temps. Privée de ses droits civiques, l'éditrice des «Onze Mille Verges» trouve alors refuge dans un monastère de visitandines où le silence est de règle et la broderie, conseillée.

    » ENTRETIEN. Régine Deforges : "J'ai été victime des pires injures..."

    Contre "la bêtise qui voulait (l)'abattre"

    L'adolescente dont on avait brûlé le journal intime a maintenant une autre revanche sur ceux qui voulaient lui interdire de s'exprimer. Il lui faut écrire des romans colériques et populaires. L'auteur de «la Bicyclette bleue», désormais mariée au prince Pierre Wiazemsky, alias Wiaz, qui lui ouvre grand les portes mauriaciennes de Malagar, réussit au-delà de ses espérances.

    » Godard, Mauriac et moi (par Anne Wiazemsky)

    La France s'arrache les sagas de celle qui choquait autrefois les bourgeois du Poitou. L'amazone plaît à François Mitterrand et à l'abbé Pierre. La brodeuse convertit les femmes au point de croix. A 78 ans, il ne lui restait plus qu'à rédiger ses Mémoires.

    Elle s'y oblige plus qu'elle n'en a envie. Car se souvenir, c'est vieillir. Et la pasionaria est fatiguée de chercher son cahier volé, lutter contre «la bêtise qui voulait (l)'abattre», et cacher ses larmes. 

    Dans les dernières pages de son livre, on croit voir alors défiler tous les titres de Sagan: « Un certain sourire», «Bonheur, impair et passe», «Des bleus à l'âme», «De guerre lasse», «...Et toute ma sympathie». La nôtre, aussi.

     

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  • Commentaires

    1
    Vendredi 4 Avril 2014 à 14:59
    Amanda Castello

    Merci d'avoir publié cet excellent article qui illustre d'une part la stupidité humaine liée à l'étroitesse de vues, de mentalités, l'hypocrisie, la fausse moralité... tous ces comportements que l'on retrouve à toutes les époques et qui furent à la base du féminicide des femmes qualifiées de " sorcières ", " suppôts de Satan " etc.

    Si Régine avait vécu à cette époque, elle aurait fini sa vie dans les flammes. Ceignons son front des palmes du courage, de l'obstination et du talent. Que les flammes soient celles de la Passion et de la Lumière, celles qu'elle laisse derrière elle et qui l'emportent au Panthéon des grands écrivains et écrivaines!

    Amanda Castello

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